De notre correspondant à Londres, Thierry Henry
Lamentable. Pitoyable. Honteux. Dégradant. Les adjectifs me manquent pour qualifier la victoire de Paolo Cannavaurien au Ballon d'or 2006. Encore une fois, le football s'est trahi, souillé par une tâche d'encre transalpine sans la moindre envergure charismatique. Ici, à Londres, l'ensemble de la population (*) est choqué par ce couronnement inattendu d'un footballeur apôtre du dopage et allégorie des dérives de notre sport.
A une époque où quelques rares esthètes du ballon rond (Thierry Henry, Ronaldinho, Eto'o, Thierry Henry, Thierry Henry) rivalisent de gestes techniques soulevant les foules sentimentales du beau jeu, il est regrettable d'assister à la glorification d'un boucher incapable de résister à ceux d'un vulgaire John Carew (qui, rappelons-le, n'a jamais réussi à s'imposer dans le championnat anglais).
Certes, Cannavaro a remporté le Calcio (en l'achetant) et la Coupe du monde (dans une défense à 4, alors que je me démenais isolé à la pointe de l'attaque française, tentant vainement d'attraper les passes loupées de Zizou), mais sinon ? L'a-t-on vu briller en Ligue des Champions face à Arsenal ? L'a-t-on vu réaliser des hat-tricks contre Charlton ou West Bromwich Albion ? Non !
Sa pointe de vitesse escargotique, son jeu de tête faiblard, ses publicités nu dans des saunas infestés de Gattuso ou de Pirlo sont un affront à ce qui fait la beauté du football : les frappes enroulées de l'extérieur de la surface, le titre de meilleur buteur de Premier League, David Trezeguet.
Dire que des génies comme Pelé, Maradona, Puskas ou Thierry Henry n'auront probablement jamais le Ballon d'or (du moins tant que Pierre Menez ne participera pas au scrutin) et qu'un taciturne défenseur central, poste de bourrin par excellence (et je m'y connais, j'ai joué avec Pascal Cygan), l'obtient sans que cela ne bouleverse personne, je reste sans voix. De toute manière, le Ballon d'or est une distinction aujourd'hui discrédité : le sacre de Ronaldinho était couru d'avance (brésilien, il n'a eu aucun mérite à l'emporter), ceux de Nedved et Shevchenko portaient le sceau de la corruption des pays de l'est et on peut se demander à qui profite la victoire de l'italien : fera-t-on rêver les gosses avec Fabio Cannavaro en jaquette de Pro Evolution Soccer ?
Un joueur qui prétend "rester fidèle à la Juventus, même en D2", pour finalement s'évader peu de temps après au Réal de Madrid est-il crédible ? Quand on pense que certain - resté dans des équipes anglaises au mépris de propositions barcelonaises - ferme leur gueule et soigne leurs contrôles, c'est un lundi noir pour le sport européen et pour l'humanité en général.
Je n'encourage bien évidemment pas les gens honnêtes et emplis de bon sens à manifester leur désapprobation dans la rue, mais sachez que, si jamais ce genre d'évènement se produit et qu'un putsch dans la rédaction de France Football en découle, je me tiendrais prêt, au cas où.
C'était Thierry Henry, en direct de Londres. A vous les studios.
(*) : D'après un sondage effectué dans le vestiaire d'Arsenal.